EDITORIAL N°7 - OCTOBRE 2017
LA GESTE DU ROI ARTHUR, ENCORE ET TOUJOURS ?
Alors, le dernier film de Guy RITCHIE, Le Roi Arthur : la Légende d’Excalibur, devait casser les chiffres du Box Office cette année ?
Le résultat est sans appel : 140 millions $ de recettes face à un budget de 175 M $ (chiffres juillet 2017). Un flop parmi d’autres qui plombent régulièrement les résultats des majors américains dans leur surenchère effrénée dans le Blockbuster.
Pour nous, le film est très bon. Certes, une armada de moyens et d’effets spéciaux furent mis en oeuvre pour jouer dans la cour des grands, façon Le Seigneur des Anneaux, le Hobbitt, etc. On se prend l’Epée en pleine figure grâce à la 3D et à la bande-son décapante. Mais, on en rate pas une, et pas question de somnoler, sous prétexte que l’on connait l’histoire par coeur.
Pourtant, la dramaturgie des personnages était étudiée soigneusement. Les vieux et les jeunes, les spécialistes et les ignares, devaient être comblés. La guerre familiale pour le pouvoir, la traversée des ombres et de la lumière, la rédemption du roi à partir d’un bordel, la renaissance d’une nation, etc. tous les ingrédients de la tragédie humaine étaient réunis. Et pourtant, le succès ne fut pas à la hauteur des intentions.
La forme exalte-t-elle le fond ou l’écrase-t-elle ? De fait, on ne peut plus progresser dans ce dilemme. Pour un public averti, il y a un phénomène de cannibalisme des strates de l’heroic fantasy entre tous ces films plus ou moins à succès, et qui finissent par se ressembler. On cherche toujours à faire plus, en croyant faire mieux, mais on ne crée plus de marché. La saturation est palpable.
Dans un domaine proche, le fantastique et l’anticipation, même le talentueux Luc BESSON ne s’est pas encore tiré de l’affaire Valerian, tant la pente du retour sur investissement est raide. Idem pour Blade Runner 2049 de Denis VILLENEUVE qui piétine. Pourtant, d’autres tirent leur épingle du jeu (Wonder Woman, etc). Et si à leur époque 2001, l’Odyssée de l’espace, la saga Star Wars, E.T, etc. se sont imposés, c’est qu’ils correspondaient bien à une époque. CQFD.
Il y a un problème de projet. Soit on mise sur l’image, mais c’est un puits sans fin. Soit on mise sur le rêve, mais il ne faut pas se tromper d’enjeu sous couvert de décor. L’homme du 21° siècle, et plus avant du 3° Millénaire, vit déjà au quotidien dans un monde de science-fiction, et plus encore dans un futur exponentiel, virtuellement plus « réel » que l’imaginaire décalé qu’on lui propose.
D’ici une génération, les robots changeront profondément notre mode de vie, nos valeurs, voire notre anthropologie. La cohabitation âme animale - âme spirituelle se sera étendue à l’intelligence artificielle. Certains démiurges veulent réduire nos instincts et notre inconscient. Quelle sera la limite à l’évolution de « l’homme créé à l’image de Dieu »?
Mais, revenons à nos moutons. Le mythe arthurien comprend deux sujets de fond : le retour annoncé du Roi (*), et la Quête du Graal. Nous avons établi leur traçabilité dans la théorie du Zodiaque précessionnel, jusqu’à l’ère du Verseau. Ils correspondent aussi au retour à l’ordre des choses, et au besoin profond de justice et d’équilibre des hommes, et d’une partie de l’univers, véhiculés par les religions et autres dérivés.
Alors, pourquoi ne pas faire un film à tendance prophétique qui annoncerait le come-back de cet Archétype royal, cette fois au niveau européen, au-delà du 21° siècle, ce dont Féeric se fait écho à son humble niveau ?
A titre de comparaison, rappelons que si le film Les Visiteurs 3 : La Révolution (2016) s’est planté en beauté - un peu plus de 2 M d’entrées au lieu de l’objectif des 5 M (chiffres France 2016) - c’est bien par absence de vision stratégique thématique. Pourquoi ne pas avoir projeté nos deux chevalier et écuyer déjantés, là carrément dans l’an 3000, pour casser à nouveau la baraque ?
Comme si la Révolution - ou la 2° Guerre mondiale esquissée à la fin du film - pouvait encore rameuter l’imagination des foules ? La reconstitution historique, le drame psychologique, oui, peuvent encore le faire, mais pas avec le climax si particulier de ces héros-là.
Idem pour la quête du Graal. Une partie de la littérature contemporaine, les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, du Mont-Saint-Michel, etc. se font écho de l’éternelle recherche du sens, et même de la voie initiatique, ou de ses relents (Da Vinci Code…).
Mais plus les moyens sont là, de fait, moins on croit pouvoir prendre de risques intellectuels, et on se trompe de sujet. A trop vouloir faire de marketing, on sort de son rôle, distraire, et non pas faire ingurgiter. Sans oublier d'enseigner, d’annoncer, comme d’autres grands l’ont fait (KUBRICK, SPIELBERG).
Alors, à quand le film moderne campant la Quête du Saint Graal dans les contradictions du monde actuel ? Au sein d’une banlieue défavorisée et pluri-culturelle, avec les trois religions du Livre par exemple ? Le médiéval fascine de plus en plus, mais il faudrait renouveler la structure du genre. Christophe LAMBERT dans Highlander (1986) avait bien montré un frémissement sans lendemain. En attendant, l’époque se satisfait de la série KAAMELOTT…
Je le répète, il n’est pas interdit de surprendre son public avec culot et intelligence, au juste moment. Mais quand ? Toute la question est là. Car il y a la lettre, et l’esprit. Comme à Brocéliande, le Centre de l’Imaginaire arthurien et Les Motards arthuriens, etc., chacun roule pour sa paroisse. Sans oublier la Féerie à la française et francophone. Arthur reconnaîtra les siens.
Nul ne possède le Graal, le Coeur du monde ; au mieux entendre ses battements, et s’en inspirer, pour vibrer et transmettre dans le cycle favorable.
Arthur, reviens, avec ton Epée et ta justice.
« Bienvenue, Arthur, enfant du passé, tu seras la preuve. Et tu rencontreras le père de la mère. »
(Fin de la prophétie de Jean XXIII sur la renaissance du christianisme).
© Eric LE NOUVEL
(*) La boucle est bouclée avec le livre de JRR TOLKIEN et le film de Peter JACKSON.
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Les légendes du roi Arthur adaptées - Ciné Trafic