LE REVE ACHEVE DU DESERT DE RETZ A CHAMBOURCY
Alors, le célèbre Désert de Retz à 78240 CHAMBOURCY, mérite-t-il d’être au hit-parade de nos Lieux magiques ?
Féeric, allons voir cela de plus près…
« Le goût français pour les jardins réguliers subit une brusque évolution dans la second moitié du 18° siècle. Dès 1755, le Père LAUGIER, dans son ouvrage « Essai sur l’Architecture » avait critiqué l’ordre géométrique des Jardins de Versailles apportant l’ennui. Déjà en Angleterre, William CHAMBERS avait réagi à l’occasion de la création des Jardins de KEW (1752 - 1762), considérés comme de véritables paradis terrestres. Les plantations et les fabriques des jardins anglais s’inspiraient notamment de l’art antique et de l’Extrême-Orient.
La France fut rapidement conquise par ces parcs « à l’anglaise », appelés d’abord jardins chinois ou jardins anglo-chinois. Préfiguration du romantisme, le jardin paysager devint un véritable engouement. Ils s’émaillaient de ruines et de fabriques parmi les clairières entourées de cours d’eau, enjambées par des ponts rustiques ou chinois. Partout, ce ne fut que colonnes trajanes, obélisques, kiosques chinois, cénotaphes et temples (1) ; les buis, les sycomores et les cyprès mettant la dernière touche au décor.
François-Henri-Nicolas Racine du JONQUOY, connu sous le nom de Racine de MONVILLE, Grand-Maître des Eaux et Forêts de Normandie, Huissier de la Chambre du Roi, acheta en 1774, au Seigneur de Thuit l’usufruit d’une maison de campagne, terres et dépendances, situées dans l’ancien hameau de Retz, dit « Désert de Retz. » Ce terrain, de forme irrégulière, s’étend entre la lisière extrême de la Forêt de Marly et les tailles d’Herblay ; il se trouve sur la commune de Chambourcy.
Dans cette solitude sylvestre, Racine de MONVILLE, poète, musicien, botaniste et architecte entreprit de dessiner et d’exécuter lui-même ses jardins au goût du jour. L’architecte BARBIER collabora pourtant aux travaux jusqu’en 1780 et fournit le plan de la maison chinoise, le plus important monument de ce genre au 18° siècle. Tout fut terminé en 1785.
Le parc du Désert de Retz surpassa en originalité tous les jardins composés dans le style anglo-chinois.
Au nord, clôturant la forêt royale, la porte principale disparaissait sous un amas de rochers (2). La plus importante des fabriques, l’habitation de Racine de MONVILLE, représentait le fût tronqué d’une colonne dorique colossale. Ses trois étages recevait le jour par des baies pratiquées dans les cannelures et par un vitrage couvrant le diamètre de la colonne. Les appartements s’ordonnaient autour d’un escalier à vis en bois décoré de pots de fleurs. La cuisine, l’office, installés dans le bâtiment des communs, étaient reliés à la colonne par un passage souterrain.
L’ancienne église de Retz fut transformée en chapelle gothique ruinée. La Glacière se représentait sous la forme d’une pyramide. A proximité, un temple, un théâtre, s’inspiraient de la Grèce, alors que les tentes tartares voisinaient avec une Pagode chinoise.
Au cours du 19° siècle, la propriété a longtemps appartenu à l’économiste Frédéric PASSY. A ses héritiers, la Société fermière et de participation racheta le domaine. Cet ensemble encore intact se dégrada lentement.
Le Désert fut classé monument historique en 1941, mais la société refusa d’entreprendre les travaux nécessaires à sa conservation. Pour la première fois, le Ministre des Affaires Culturelles appliqua la « Loi Malraux », du 30/12/1966, permettant à l’Administration d’exécuter d’office les travaux de restauration, qui commencèrent en 1973, et se poursuivirent pendant plusieurs décennies. »
(Copyright Le Désert de Retz.)
Rajoutons que la superficie du Domaine, à l’origine de 20 Ha, passa à 40 Ha. Aujourd’hui, il ne reste que 15 Ha, propriété de la commune de Chambourcy, le reste ayant été aménagé en Golf.
De plus, les monuments suivants ont disparu, ou sont fortement dégradés :
- Le Pavillon chinois (Pagode en bois de 1775),
- les Serres chaudes, le Rocher, les Communs, l’Ermitage, l’Obélisque, le Tombeau, l’Orangerie, la Laiterie et la Métairie arrangée. (cf. Wikipédia).
Alors, comme l’annonce notre guide, était-ce là le « Jardin initiatique le plus élaboré du Siècle des Lumières ? »
Rendons d’abord hommage au Jardin lui-même, une pure merveille d’arbres et d’essences souvent rares - frênes, érables, tilleuls, sycomores, etc. - un vrai chef-d’oeuvre naturel, avec le supplément d’âme octroyé par l’histoire.
(Wikipédia)
Ensuite, « l’initiation. » C’était l’époque du Savoir, de L’Encyclopédie. La référence aux mythes anciens était constante à travers les diverses fabriques et monuments pour une promenade à surprises.
1) LE THEATRE DIONYSOS
Le « Dieu du Lieu » serait Dionysos, étant aussi le Dieu du Théâtre.
2) LE TEMPLE DE PAN
« C’est l’une des premières fabriques construite par M. de MONVILLE vers 1777.
Elle évoque la Grèce classique, symbole même de la philosophie.
Elle se compose d’un avant-corps semi-circulaire orné de colonnes toscanes sur lesquelles des cannelures étaient peintes, d’une salle de repos presque carrée, dont le sol était carrelé de noir et blanc, et meublée d’un sofa recouvert d’une ottomane.
Les niches des deux arcades latérales abritaient une statue.
Cette fabrique était le salon de musique de M. de MONVILLE, homme aux talents multiples qui touchait à tous les instruments.
Il excellait à la harpe, pour laquelle il a composé des ariettes. »
3) LA COLONNE DETRUITE
« Fabrique Principale construite en 1781-1783, elle devient l’habitation de M. de MONVILLE au Désert de Retz, après la Maison Chinoise.
D’un diamètre de 15 m, elle s’élève à 25 m environ en sa partie la plus haute.
Des appartements étaient disposés avec recherche et symétrie sur quatre niveaux, distribués par un escalier central hélicoïdal, éclairé par une verrière.
En opposition avec l’extérieur d’aspect volontairement ruiné, l’aménagement intérieur était d’un extrême raffinement.
Les cheminées en marbre blanc, décorées de feuilles d’acanthe, étaient surmontés de miroirs qui reflétaient le paysage extérieur composé par M. de MONVILLE.
Les rideaux étaient bordés de Toile de Jouy, les meubles en acajou ou en bois peints en vert.
La cuisine était située dans les communs, les plats étaient acheminés par un tunnel qui débouche dans la cave.
Image d’un nouvel intérêt pour le monde romain et son organisation, cette colonne est comme le vestige d’un temple colossal dont on vient de découvrir le premier élément.
Monument sans antécédent élevé à la veille de la révolution, était-il le symbole de la ruine prochaine d’un ordonnancement propre au monde européen ? »
C’est le chef-d’oeuvre architectural du Domaine. Les interprétations symboliques sont nombreuses.
A l’époque, sous l’influence de la pensée naturaliste (JJ ROUSSEAU, etc.), il était de bon ton de croire que « tout est périssable, la Nature reprendra le dessus, et l’homme finira ruine, etc… » Certains y voient encore une allusion indirecte à Dionysos.
Les fissures volontaires sur la façade nous paraissent étonnamment « modernes. »
D’un point de vue psychologique, elles peuvent refléter les blessures de l’âme de Racine de MONVILLE, frappé par une succession de deuils (femme, parents et grands-parents) qui l’ont laissé riche, mais seul, sensible à la précarité du bonheur.
Cet aristocrate brillant était un esthète visionnaire, sans nul doute. On ne peut s’empêcher de penser devant sa Colonne détruite à la Lame de Tarot, XVI La Maison-Dieu, annonçant la prise de la Bastille, la Révolution française, la fin d’un monde. La vraie création nous dépasse, nous menant du destin individuel au destin collectif.
Ainsi va l’âme du monde, ou le plan maçonnique. Racine de MONVILLE était-il d’ailleurs franc-maçon ?
Il les fréquentait, mais nulle certitude à ce sujet ; ses écrits sont rares. Mais leur signature est présente.
Dans l’Arbre des Séphiroth, La Maison-Dieu représente aussi le 24° Sentier entre HOD et NETZAH, la Conscience imaginaire :
"Ce sentier est appelé ainsi parce qu’il fournit à chaque forme créée celle qui convient à sa stature (…)
Il s’agit d’une base fondamentale sur laquelle il faut générer l’image mentale parfaite de ce que l’on construira dans les plans supérieurs. » (3)
4) LA GLACIERE-PYRAMIDE
« Construite sur trois niveaux : une cuve, profonde de 6 m, en forme de demi barrique et dotée d’un puisard, un soubassement carré et une pyramide.
Cette fabrique servait à la conservation des denrées périssables et de la glace, destinée à la confection de sorbets et à rafraîchir les boissons.
Durant l’hiver, neige et blocs de glace étaient entassés au fond de la cuve sur un plancher de bois à claire-voie.
De l’eau était ajoutée afin de créer un bloc compact, le tout isolé du mur de la paille de seigle fixée sur une armature légère.
La porte d’accès, biseautée et orientée au nord, était en bois.
L’accès à la glacière se faisait en début ou en fin de journée afin de préserver le froid.
La pyramide illustre l’Egypte et sa civilisation.
Métaphore de la perfection maçonnique, elle a été située volontairement près de l’Eglise gothique ruinée.
Symbole également de la conservation, c’est à dessein qu’elle a été placée sur une glacière. »
5) L’EGLISE GOTHIQUE RUINEE
« Seule ruine authentique du domaine, c’est le vestige de l’ancienne paroisse Saint-Jacques-de-Retz, construite au début du 13° siècle.
Tombant en ruines au début du 18° siècle, elle fut désertée par les fidèles qui préférèrent, plutôt que de la rénover, aller à l’office de l’abbaye de Joyenval située non loin de là.
Cette fabrique symbolise l’Eglise catholique dépassée par la modernité du 18° siècle.
A l’image des tableaux du peintre Hubert ROBERT représentant les ruines de villes impériales romaines, avec leurs temples religieux et leurs autels à l’abandon, elle illustre l’idée que pouvoir et religion sont éphémères. »
6) LE TEMPLE DU REPOS
« Construit en 1777, il était composé d’une rotonde d’arbre, précédée d’une façade à deux portes, décorées de peintures en trompe-l’oeil.
Elles étaient encadrées par deux colonnes baguées, surmontées d’un entablement et d’un fronton. »
7) LA TENTE TARTARE
« Située sur l’Ile du Bonheur, cette tente à armature de bois recouverte de tôle peinte à larges rayures turquoise et jaune, se termine par une verrière.
Tendue à l’intérieur de Toile de Jouy, elle servait de salle d’armes.
Elle évoque des contrées lointaines inexplorées, des lieux qui incarnent l’exotisme. »
Alors, Féeric, quel est le Code de ce Désert unique en son genre?
Relevons que DESERT DE RETZ = 5 / 23 : l’énergie avec l’Etoile du Lion, le succès illustre, puis l’entropie.
Et RETZ : R - TZ : Resch - Tsadé : ר צ : le rassemblement des principes.
Le Désert de Retz est par essence le Jardin des Archétypes, Cabinet naturel de Curiosités, miroir du Monde des Idées, fréquenté plus tard à juste titre par les Surréalistes.
De plus, notre guide affirme avoir relevé 16 angles de 108°, en relation avec les lois de Pythagore, sur la Pyramide, etc.
Racine de MONVILLE (1734 - 1797) acheva son rêve supérieur d’ordre, de savoir et de beauté, et le vendit à un aristocrate gallois en 1792 pour 108000 Livres…
NB : 108 = 18 : 9 / 18 : le don pour autrui, le sens de l’humanité et de l’universel (le rêve maçonnique ?), mais avec la protection divine envers le sacré de la vie.
Il survécut à la Révolution, et finit à l’image de sa Colonne foudroyée, avec ses illusions sublimes, ses propres fêlures, et ses secrets ; sa mission accomplie sur Terre.
Merci au Messager des Dieux qui nous fait aimer son Lieu à jamais.
© Eric LE NOUVEL
Sources : toutes les citations en italiques sont Copyright Le Désert de Retz.
« (1) Le Rocher : Il s’agit d’une grotte d’aspect naturel recouverte de végétation et encadrée par deux statues de satyres. Symbole des débuts de l’humanité, elle soumettait le visiteur à un passage initiatique de l’obscurité à la lumière, de l’obscurantisme à la connaissance. » (cf. Wikipédia).
(2) cf. le Parc Monceau à 75017 PARIS, le Château des Montesquiou et le Parc de Mistou à 77120 Mauperthuis, les Folies Siffait à 44850 Le Cellier (près de Nantes), etc.
(3) cf. Georges LAHY - VIRYA
Le Désert de Retz, Jardin des Lumières
Pour toute visite, contactez la Mairie de Chambourcy.