LE SOUFFLE DES LACS ET FORÊTS D’ORIENT ET DU TEMPLE (10)
Nos liens sont si étroits avec ces rumeurs que la ballade en vaut le détour dans leur Parc naturel près de Troyes. Il comprend les lacs-réservoirs d’Orient, du Temple et d’Amance, et les Forêts d’Orient et du Temple.
La riche géographie locale nous ramène à l’histoire mouvementée des célèbres Chevaliers :
- la célèbre abbaye de Clairvaux à la Ville-sous-la-Ferté,
- le Cellier de Clairvaux à Bar-sur-Aube,
- la Cathédrale de Troyes, sans oublier ladite Maison de Rachi entièrement rénovée,
- le Musée d’Hughes de PAYNS à Payns,
- la Commanderie et l’abside de Mesnil-Saint-Loup,
- la Commanderie du Fresnoy à Montpothier.
- et la Commanderie d’Avalleur à Bar-sur-Seine.
Dans un cadre élargi, nous apprenons que « parce que l’Aube est l’alpha de l’histoire templière et que le couvent du Christ à Tomar (Portugal) en est l’oméga, Français et Portugais ont lancé en 2016 le projet d’un itinéraire culturel européen. L’Italie, l’Espagne et Chypre (comité scientifique) ont rejoint la fédération Templars Route European Federation. Avis aux amateurs de culture et d’égrégores pouvant convier à la quête de soi à travers les mystères.
(Sources : www.aube-champagne.com - www.templars-route.eu)
La partie touristique est une réussite indiscutable vers tous ces lacs-là, comme autant d’espaces de liberté pour les familles, notamment dans les longues pistes cyclables et les itinéraires de promenade.
La zone nous concernant en particulier est le Lac du Temple, contenant la réserve naturelle et sa Forêt, aux alentours de la Loge-aux-Chèvres. Notamment la route forestière, et son Sentier des salamandres menant à l’ancienne digue templière et Fontaine aux oiseaux.
Dans la Tradition, on rapporte que « l’arbre du symbole ne soit pas cacher l’essence de la forêt. » Point s’en faut ici, car les noms de lieux, leurs panneaux, parlent d’eux-mêmes.
Il y est maintes fois question du faisceau spirituel du Temple, donc de l’Orient intérieur, le véritable trésor. Mais encore, qui va nous donner la clé supplémentaire ? Féeric, au travail…
Toute cette eau, les reflets de l’aube et du couchant, le cri des oiseaux, etc. vous installent dans la rêverie profonde, à plus forte raison par le cycle des saisons. Mais jusqu’où ?
La réponse se trouve dans l’évidence résumée de l’arche de Lusigny-sur-Barse à l’ouest du Lac d’Orient.
« L’eau, oeuvre de l’artiste allemand Klaus RINKE, rend hommage au philosophe français Gaston BACHELARD (1884-1962), natif de Bar-sur-Aube.
Une arche monumentale en bois et en acier, haute de 12,3 mètres, enjambe le canal de restitution du lac-réservoir Seine (lac d’Orient). En son centre, une aiguille d’acier, longue de 8 m, tombe à la verticale. Sa pointe effleure les remous.
Cette aiguille effilée fait l’effet d’un paratonnerre renversé. C’est en-dessous qu’est l’orage, la turbulence et le tumulte. L’aiguille nargue, l’aiguille conjure et tient le flot à bonne distance. Entre les deux, il y a comme une tension guerrière, un affrontement potentiel dont BACHELARD a su parler : « Il est, comme on le voit, des eaux qui ont l’épiderme sensible. »
L’eau est au coeur du travail de Klaus RINKE, comme elle est un des éléments de la méditation poétique de Gaston BACHELARD (L’eau et les rêves, 1942).
Réalisée en 1986, cette oeuvre répond à une commande publique. Le Conseil régional de Champagne-Ardenne avait alors souhaité rendre hommage au philosophe à travers quatre sculptures monumentales évoquant les quatre éléments qui lui étaient chers. »
(cf. Brochure itinéraire de promenade du dépt. de l’Aube).
Les amoureux de Jérusalem ne manqueront pas de se souvenir que cette arche ramène à ce qui reste là-bas de la synagogue ashkénaze Hourvà, son grand arc reconstruit sur les quatre d’origine. Une vision en appelle une autre ; question de lieu sûrement.
Mais, revenons à Gaston BACHELARD. Quels rêves lui inspire l’Eau ?
« on ne se baigne pas deux fois dans un même fleuve, parce que, déjà, dans sa profondeur, l’être humain a le destin de l’eau qui coule.
L’être voué à l’eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écoule.
Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de la Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d’un vallon, au bord d’une eau vive, dans l’ombre courte des saules et des osiers. Et quand octobre viendrait, avec ses brumes sur la rivière…
Je ne puis m’asseoir près d’un ruisseau sans tomber dans une rêverie profonde, sans revoir mon bonheur… »
Sa pensée est complexe et infinie. Il est question des nuances subtiles de l’eau dans notre âme :
- les eaux claires, printanières, courantes, amoureuses,
- les beaux profondes, dormantes et mortes - tout en rendant hommage à Edgar POE,
- les eaux composées,
- l’eau maternelle et féminine,
- la morale de l’eau,
- la suprématie de l’au douce,
- l’eau violente,
- la parole de l’eau, etc.
Bienvenu, cela vous parlera ou pas, en totalité, en partie ou rien du tout. Les temps ont changé, les émotions et projections aussi. Qui aujourd’hui s’aventurerait encore à susurrer : « quelle est donc la fonction sexuelle de la rivière ? C’est d’évoquer la nudité féminine. » Autres temps, autres moeurs, autres discours, même si la quête de l’éternel masculin envers l’éternel féminin demeure.
Il vous reste en final le face-à-face avec toute cette nature qui bruitera à vos oreilles ce que que vous pouvez écouter, entendre, vibrer en imaginant votre propre tableau.
Et quand la coupe sera pleine, et si l’art vous appelle, descendez vers Essoyes, toujours dans l’Aube mais plus au sud, du côté des RENOIR. Ce sera plus humain et sensuel ; un autre souffle existentiel.
© Eric LE NOUVEL
J’ai aussi découvert que l’inventeur de la Vallée des Saints de Carnoët (22), Philippe ABJEAN, était né à Bar-sur-Seine (10). Décidément, un pays de rêveurs diffusant leurs promesses de vie.