BUGARACH, LA MONTAGNE INVERSEE (11)
J’ai longtemps hésité avant d’inclure le Pech du Bugarach dans mes Lieux magiques.
Ayant fait le tour, et abouti à une non-conclusion de l’affaire, je marchais plutôt à reculons face à ce dilemme.
Rennes-le-Château et l’Abbé Saulnière, les Cathares disciples des Bogomiles, le Saint Graal incarné dans les enfants de Jésus et Marie-Madeleine, la peur millénariste…pourquoi ce relent permanent d’hérésie, en réalité de frénésie et de délire ?
Fibule mérovingienne Noeud de Salomon © eBay
Les rois fainéants, « faits néant », mérovingiens d’origine juive, le trésor de Titus ramené de Jérusalem, mis à sac à Rome en 410 par le roi Alaric et ses Wisigoth, et caché ensuite dans la région ? Comme attesté par la Ménorah du vitrail (1) de l’église de Limoux (11). Puis, recherché en vain par le Groupe de Thulé d'Himmler pendant la Seconde Guerre Mondiale ?
Oui, il y avait bien eu un culte à Marie-Madeleine en l’an mille dans une constellation de villages en forme d’étoile autour de Rennes-le-Château…Le bénitier-démon de son église, « Iste locus terribilis est, ce lieu est terrible », parait-il ? Oui, visité par François MITTERAND et Patrice PELAT à une époque où le pouvoir s’interrogeait sur son destin via l’Enigme sacrée.
Omraam Mikhaël AÏVANHOV, et sa Fraternité blanche universelle, n’avaient pas été en reste pour annoncer que « quand on commencerait à parler du Mont Bugarach, ce serait la fin d’un monde. » Dont acte, au passage à l’an 2000, l’Apocalypse fut évoquée. Et alors ? A part le début du 3° Millénaire, d’un nouveau paradigme, mais là plutôt RAS.
La cour des fantasmes est pleine à déborder. Par pitié, n’en jetez plus. Quant à la vraie Coupe du Graal, elle ne connait que le vide de la Quête.
Plus encore, la géologie particulière de cette montagne, se hissant à 1230 m, la qualifie « d’inversée ». Car la poussée géologique des Pyrénées avait renversé les calcaires du jurassique par-dessus les grès du Cétacé. A l’image du reste, le fatras des idées à l’envers de la société ?
Mais au nom du Razès, de la Septimanie, de l’empreinte historique juive en Tsarfat, notre Royaume - et plus que jamais l’Hexagone des Contraires - il a fallu me résoudre à présenter ce « haut-lieu. » N’y a-t-il pas de fumée sans feu ? Mais de quel feu parlons-nous. Du bon ou du mauvais ? (2)
La numérologie de BUGARACH exprime 7 / 34 : la foi, la spiritualité issue de cet espace. La guématrie 34 : Babel - Goél, rachat - et la Paracha Vayehi (« Vécut »), le testament du Patriarche Jacob (Genèse).
Plus encore; la kabbale du nom : B - G - RESCH : Beith - Guimel - Resch : בגר : l’établissement du principe dans la durée.
Ma première conclusion, à la suite de ma visite 20 années plus tôt, était de qualifier ce Pech de « rampe ELOHIM. » Un moment, j’avais vu un point lumineux blanc s’animer dans les hauteurs. La tentation du marchepied de Babel vers les étoiles ? Attention, les anges sont à notre service, mais dans la tradition juive, à l’inverse de la catholique, ils peuvent devenir nos adversaires dans la remontée vers Aleph.
Sans parler de la cruelle malédiction biblique (Psaume 137) sur Babylone, le dieu du lieu. Vous avez compris : ici se déguste un cocktail original et détonnant. A vous de le découvrir au fil de vos attentes diverses.
Graffiti local sur la route au village du Bugarach
Le code principal de tout ce feuilleton rocambolesque résiderait dans la géobiologie de la région, comme Théopolis (04), une zone d’émission-réception cosmique. Le véritable « au-delà » défini en organisant notre Séphira Kéther avec les moyens du bord, et dans la crainte des niveaux de l’espace supérieur, que mentionne la tradition kabbalistique (Aïn, Aïn Soph, Aïn Soph Aur).
« Humain, trop humain. » disait Frédéric NIETZSCHE. Une histoire bien humaine en quelque sorte : celle de ses croyances, et de sa dialectique.
Car, voyez-vous, avant de monter, et s’échapper vers l’infini, nous nous heurtons à notre cruelle condition terrestre. L’esprit nous attire en Kéther, mais l’inconscient et ses projections nous attendent en Yésod, entre ces deux niveaux de l’Arbre des Séphiroth. D’où la distorsion cyclique où nous emmène le Bugarach dans une synthèse parfaite, impossible à réaliser dans notre psyché.
Il nous reste alors que le rêve. Les châteaux cathares de la région témoignent encore de la mémoire des bûchers, du feu de l’absolu qui peut nous traverser un jour. Ainsi fonctionne l’ordre contradictoire des choses.
Un dernier mot sur le pittoresque Château d’Arques, plus exactement une Maison forte, avec son superbe donjon de 25 m, érigés par Gilles de VOISINS au 13° siècle, à la suite de la Croisade des Albigeois.
Le paysage des montagnes avoisinantes nous renverrait aux secrets de Rennes-le-Château, au tableau de Nicolas POUSSIN, Les Bergers d’Arcadie, à un hypothétique tombeau de Jésus-Christ, etc. Le folklore habituel local.
En final, il fait bon vivre dans cette région grâce à son climat, ses vignes, la proximité de la mer, et toute son histoire. Goûtez donc l’essentiel, avec un brin alchimique de mystère.
© Eric LE NOUVEL
PS : Nous tenons à vous mettre en garde sur la randonnée d'une partie dangereuse de l'ascension du Bugarach avec un vide spectaculaire. L'hélicoptère des secours intervient chaque année, et il y a de temps en temps des morts. La mise en garde des risques encourus sur les panneaux touristiques du village n'est pas assez explicite comme parfois en France. Prenez soin de vous.
(1) L’église Saint-Martin (12° siècle) de Limoux présente une succession de 12 vitraux, dans les parties supérieures latérales de la nef, avec des étoiles à 6 branches ou Sceaux de Salomon. Nous en ignorons le contenu, et nous n’avons pour l’instant retrouvé aucune mention de cette fameuse Ménorah.
(2) La sentence de François I au Château de Chambord (41) :
"Nutrisco et Extinguo" qui signifie « Je me nourris du bon feu, j'éteins le mauvais. »
A Chambord, la salamandre est représentée crachant des gouttes d'eau pour éteindre le mauvais feu, ou avalant les flammes pour se nourrir du bon feu.