4.2 HA - MAQOM...DIEU EST LE LIEU
« Pourquoi, lorsqu'il s'agit de donner un nom au Saint, béni soit-Il, l'appelle-t-on le Lieu ?
Parce qu'il est le Lieu du monde et que le monde n'est pas Son lieu. »
Bahir § 14 et Midrash Rabba (Genèse 68, 9)
« Tu n’as pas de chose qui n’ait son lieu. »
PIRQEI AVOT (4, 3)
« Pourquoi le nom du Saint, béni soit-Il, est-il le Lieu ? Parce qu’en tous lieux où sont les justes Il se trouve avec eux comme il est dit :
« En quelque lieu où Je ferai invoquer Mon nom Je viendrai vers toi et Je te bénirai. » (Exode 20 : 24)
PIRQE DE RABBI ELIEZER
1. © Voie de Lettres, Voie de Sagesse par Roland BERMANN - Dervy :
« Le Qof ק va nous introduire à un troisième Nom divin, un Nom moins classique pourrait-on dire, mais dont l'usage s'est répandu dans la littérature mystique et dans les écrits de la Kabbale. Si nous revenons à l'écriture en plein de la lettre, nous constatons que sa valeur guématrique est de 186, valeur d'un terme très important : MaQOM (Mem - Qof - Vav - Mem מ ק ו ם ), le Lieu. (…)
Le Lieu englobe beaucoup plus ce dont nous pouvons avoir une perception. Les valeurs numériques viennent appuyer ceci. La valeur de MaQOM est 186, or cette valeur se relie à celle du Nom Tétragramme IHVH étendu à l'espace par l'élévation au carré ce chacune des quatre lettres qui le constitue : IHVH = 26 au carré = 186.(...)
La genèse du glissement sémantique de MaQOM au Nom est détaillé dans Le Guide des Egarés où Moïse MAÏMONIDE montre comment l'hébreu est passé de la désignation d'un lieu particulier à celle du degré et du rang d'une personne, puis à un qualificatif divin exprimant que « le rang de son existence n'a de pareil ni de semblable en se référant à Ezéchiel 3,12 : « Que la Gloire de l'Eternel soit louée en son Lieu » qu'il commente par « selon le rang élevé qu'Il occupe dans l'univers. »
Puis, à partir d'Exode 33, 21: « Voici un Lieu (MaQOM) près de moi. » (…)
L'hébreu biblique va confondre sous ce vocable MaQOM la désignation du lieu et « l'Universelle Présence » animant tous les lieux; cette présence étant la Shekhinah dont le sens littéral est : celle qui réside (…) MaQOM est devenu un synonyme de l'Omniprésent. (…)
Orthographiquement, MaQOM est remarquable à deux points de vue au moins. Tout d'abord, il s'ouvre par un Mem ouvert מ et se termine par un Mem fermé ם. Or nous avions vu le rôle et le sens de ces deux lettres. Elles nous indiquent que, dans le Lieu, donc dans le sanctuaire, tout se déroule entre ouverture et fermeture, entre ce qui est révélé et ce qui est caché.
« Mon Nom est le Lieu. Le Lieu est le lieu de mon Nom. »
« Le sanctuaire intérieur est plus intérieur que tout, il est le Lieu du point intime antérieur à tout. » (Moïse de Léon, Le sicle du sanctuaire).
Par le premier Mem מ s'exprime le fait que l'homme puisse percevoir la Divinité au travers de ses attributs, puis par le second ם qu'il restera toujours quelque chose de caché, d'inconnaissable à notre intelligence limitée.
Et entre ces deux lettres qui doivent se lire en tant que symboles, viennent s'insérer le Qof ק et le Vav ו (…) Réunis, ce Qof et ce Vav ne forment-ils pas le mot Qâv, la règle, le cordeau, au sens propre et au sens figuré d'ordre et de précepte ou de loi, avec lequel toutes choses sont mesurées. »
(…)
« En effet, tout n'est qu'un seul mystère et bien qu'on ait changé de nom pour chaque attribut tout revient en un même Lieu. »
( in La Couronne Royale d'Ibn GABIROL).
« Le lieu (signe) de la Présence. » (in Feu noir sur Feu blanc - Betty ROJTMAN - Verdier).
N'est-ce pas là en final la meilleure définition possible de notre Code des Lieux...?
2. L'ORIGINE EGYPTIENNE
2.1 © Les Secrets de l'Exode de Roger et Messod SABBAH, pp.91-92.
ELOHIM = PHARAON : Celui qui porte le souffle (Hé) de RA, Dieu unique solaire.
YAHOU + Hé = YHVH, le « Lieu sacré » où réside son Roi, le Dieu Soleil en ATON.
Le Dieu unique du judaïsme est à la foi le Roi (Ha-Melekh) et le Lieu (Ha Maqom).
2.2 © Le Pharaon juif de Roger SABBAH, JC Lattès, pp.90-92 (in Le rêve de Jacob : la pierre d’angle).
« Jacob atteignit l’endroit et il y passa la nuit, parce que le soleil s’était couché. Il prit des pierres de l’endroit, les mit sous sa tête, et se coucha en ce lieu." (Makom’ a Hou = le lieu du souffle.) (…)
Ainsi, la murette en forme de gouttière soutenant la tête de Jacob (=Israël = Fils de Dieu = Soleil) correspond au hiéroglyphe Akhet du soleil couché entre deux montagnes (…) métaphores de la pyramide (…), symbole kabbalistique du trône de Dieu.
- cf. L’Arche de Noé est située (aussi) entre deux montagnes. Comme la vision de l’échelle céleste de Jacob : « Il eut un songe que voici : une échelle était dressée sur la terre, son sommet atteignait le ciel ; et des messagers divins montaient et descendaient le long de cette échelle… » (Genèse, 28, 12).
Jacob reconnait le Lieu, le « Makom' a Hou », cité à deux reprises (Genèse 28, 11-19), la Porte du Ciel, le trône où réside le souffle Hou de Dieu, qui permet au soleil de revenir et d’illuminer l’Egypte…
Il eut peur et dit : « Que ce lieu est redoutable ! Ce n’est rien de moins que la maison de Dieu et la porte du ciel ! » Levé de bon matin, il prit la pierre qui lui avait servi de chevet, il la dressa comme une stèle et répandit de l’huile sur son sommet. »
3. LA PRESENCE, FACE DIVINE DU LIEU
32.24
« Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore.
32.25
Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l'emboîture de la hanche; et l'emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.
32.26
Il dit: Laisse-moi aller, car l'aurore se lève. Et Jacob répondit: Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni.
32.27
Il lui dit: Quel est ton nom? Et il répondit: Jacob.
32.28
Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.
32.29
Jacob l'interrogea, en disant: Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Et il le bénit là.
32.30
Jacob appela ce lieu du nom de Phanuel (*): car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.
32.31
Le soleil se levait, lorsqu'il passa Phanuel. Jacob boitait de la hanche.
32.32
C'est pourquoi jusqu'à ce jour, les enfants d'Israël ne mangent point le tendon qui est à l'emboîture de la hanche; car Dieu frappa Jacob à l'emboîture de la hanche, au tendon. »
Pour Jacob, le monde est devenu Phanuel, à l'image de Dieu...
En conclusion, à nous de chercher dans les lieux les traces d'alliance entre nous, la nature, le vivant, et Dieu, grâce à l'Ame du monde, reflet de notre propre degré d'âme. Amen.
Eric LE NOUVEL
(*) « Face divine. »
(Calligraphies © Frank LALOU - Photos : Wikipédia).